Thursday, September 14, 2006

Praguoise parenthèse

Je n’aurais jamais cru que dès le premier jour, je me sentirais aussi bien, de laisser Beyrouth derrière moi comme ça. Il a fait gris au début, et froid, et c’était d’autant mieux, je n’aurais pas supporté le soleil à l’arrivée. Les deux trois premiers jours, mon corps s’est souvenu, en marchant, de l’immobilisme du mois passé. Puis ça s’est estompé à mesure que les crampes ont diminué, et avec, l’habitude de ne plus sursauter aux bruits d’avions…
Je projette tout un tas de choses sur les tchèques, impossibles à vérifier, d’ailleurs je ne suis pas sure de vouloir confronter mes déductions à la vraie vérité de leurs vies, que j’ai envie d’imaginer tristes et ternes… beaucoup de gens ont de gros chiens accablés et muselés, d’autres ont des tatouages et des cheveux prodigieux, des airs post punk un peu effrayants à la nuit tombée pour le mètre et demi que je suis… mais étonnamment ils sont pas agressifs. Je vois beaucoup de choses qui me choquent : des clochards qui se déshabillent dans la rue, des gens blessés aux pansements sales dormir dans les poubelles, vomir et pisser et tomber et se rouler sur le trottoir - une fois à borj hammoud j’ai vu un clochard, qui tranquillement assis sur le bord du trottoir a sorti sa bite et pissé, sur ses propres genoux, hilare…. - J’ai l’impression qu’ils sont encore un peu sonnés de ne plus être communistes.

Quand j’ai réussi à faire changer mon billet, pour rentrer à Beyrouth sans passer par damas, j’ai sauté pendant 3 minutes partout puis je me suis écrasée, j’ai senti que ma réaction était celle de tellement d’autres libanais, avant moi et à venir, que j’aurais encore l’occasion de la vivre...

Avant l’aéroport, le patchwork d’asphalte du tarmac est étonnamment carré vu d’en haut. Atterrissage applaudi, larme à l’œil générale. A l’aéroport, pas plus de fouilles que d’habitude. La même chaleur dense et poisseuse dehors, bordel de vans et de flics. Apres l’aéroport tout est noir, sauf les panneaux du hezb illuminé(s) par la victoire. Tout aussi agressives que les pubs du hezb, les campagnes déplacées pour des assurances / banques/ écoles/ alcools...


Deux semaines dans un monde enchanté fait d’amour et de vieilles pierres plus tard, je me perds dans ma propre ville. Moi qui ai toujours été super fière de savoir me repérer au fin fond de dahyeh, je m’y suis proprement perdue, à minuit hier, suivie par des mobylettes qui se relayaient. Mon légendaire sens de l’orientation, qui s’épanouit dans le noir, m’a retrouvée à choueifat. Du coup j’ai fait mon tour de dahyeh, un mois après le cessez le feu, j’ai vu les tas de gravats les mieux gardés du monde après ground zero, des restes d’immeubles à genoux dans des rues vérolées, des bribes de hangars noirs, des pelleteuses épuisées, des ponts dont je voyais les os, des barrières, des barbus à roulettes dans mon rétroviseur.


Un mois après le cessez le feu, je me rends compte que la seule couleur apolitique qui nous reste au Liban c’est le rose.
Je me dis tout haut que du bleu et blanc haririen – et la mon caillou me fait judicieusement remarquer que c’est une récupération des couleurs de la vierge – du bleu donc de marie à l’arc en ciel homo, toutes les couleurs sont connotées à Beyrouth cet hiver….


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