Tuesday, September 19, 2006

Quelques jours plus tard, l’après premier week end du retour

Ca commence vendredi soir, comme tout week end qui se respecte : club social, désolant, posée à un coin de table, loquace comme un vase, je bois du mauvais alcool en attendant qu’il soit l’heure d’aller à l’aéroport, chercher un ami qui rentre de singapour. Comme moi, il est rentré en pleine forme, la tête pleine d’envies de projets et de quasi décisions… revigorant.
C’est un peu noël en ce moment, tous les copains partis sont revenus les valises pleines de petits cadeaux. Avant de sortir d’ailleurs, je tendais fièrement à un copain son cadeau, un jeu ouest africain, un bout de bois creusé, dans lequel des cailloux sont déplacés par les joueurs. Jeu auquel il a souvent joué, je savais que ça lui ferait plaisir, et que je ne m’étais pas trompée. Il le regarde longuement tout content, le retourne, et la voix sérieuse tout d'un coup me demande si j’ai fait exprès de lui acheter un jeu fabriqué en israel… avec probablement un olivier palestinien, et des cailloux confisqués à de dangereux terroristes qui fêtent à l’heure actuelle leur majorité en prison – pour possession d’armes interdites. Je jure ma bonne foi, m’en sors vivante en promettant de me racheter… le pire c’est que je me rappelle avoir regardé tous les trucs que j’ai achetés dans ce magasin. Sauf celui la.

Samedi, je vais nager, jusqu'à l’épuisement, de l’eau dans la piscine, de la force dans mes muscles. Je m’arrête, du feu dans les yeux, je dors un peu, puis du sporting décide d’aller un peu vers le sud. De la ville jusqu’a damour, il ne reste qu’un seul petit pont. Les restes des ponts, très proprement coupés des deux cotés, sont encore dessous, rangés sur les bas cotés de la route, au milieu des ouvertures permettent aux voitures de traverser l’autostrade. Un pont métallique est déjà installé, le second inauguré par Michele Alliott Marie a fonctionné hier. Embouteillage, évidemment, avant les ponts métalliques….

Samedi soir, rave, au art lounge, cet étrange endroit aux meubles 60’s sur lesquels on peut danser. Juste mélange de bourgeoises aux sacs minuscules coincés sous l’épaule, de ravers crades collés aux speakers, de bons élèves extatiques en lunettes de soleil au premier rang. Beaucoup de gens que je n’ai pas l’habitude de voir sous cette musique. Pendant que G nous donne une leçon magistrale, je pense avec tristesse à mes amies condamnées à même pas 30 ans à sortir avec des plus jeunes qu’elles. La raréfaction des coups possibles, encore plus forte depuis la guerre, fait qu’il est impossible de se retrouver au lit avec un réel total inconnu de notre age.
Si c’est amusant de temps en temps, les petits jeunes, savoir que la probabilité de rencontrer quelqu’un de nouveau du bon age est de plus en plus mince est très angoissante…. Je ne sais pas comment elles font pour rester calmes, pour continuer à sortir, vouloir rester à Beyrouth…

Thursday, September 14, 2006

Praguoise parenthèse

Je n’aurais jamais cru que dès le premier jour, je me sentirais aussi bien, de laisser Beyrouth derrière moi comme ça. Il a fait gris au début, et froid, et c’était d’autant mieux, je n’aurais pas supporté le soleil à l’arrivée. Les deux trois premiers jours, mon corps s’est souvenu, en marchant, de l’immobilisme du mois passé. Puis ça s’est estompé à mesure que les crampes ont diminué, et avec, l’habitude de ne plus sursauter aux bruits d’avions…
Je projette tout un tas de choses sur les tchèques, impossibles à vérifier, d’ailleurs je ne suis pas sure de vouloir confronter mes déductions à la vraie vérité de leurs vies, que j’ai envie d’imaginer tristes et ternes… beaucoup de gens ont de gros chiens accablés et muselés, d’autres ont des tatouages et des cheveux prodigieux, des airs post punk un peu effrayants à la nuit tombée pour le mètre et demi que je suis… mais étonnamment ils sont pas agressifs. Je vois beaucoup de choses qui me choquent : des clochards qui se déshabillent dans la rue, des gens blessés aux pansements sales dormir dans les poubelles, vomir et pisser et tomber et se rouler sur le trottoir - une fois à borj hammoud j’ai vu un clochard, qui tranquillement assis sur le bord du trottoir a sorti sa bite et pissé, sur ses propres genoux, hilare…. - J’ai l’impression qu’ils sont encore un peu sonnés de ne plus être communistes.

Quand j’ai réussi à faire changer mon billet, pour rentrer à Beyrouth sans passer par damas, j’ai sauté pendant 3 minutes partout puis je me suis écrasée, j’ai senti que ma réaction était celle de tellement d’autres libanais, avant moi et à venir, que j’aurais encore l’occasion de la vivre...

Avant l’aéroport, le patchwork d’asphalte du tarmac est étonnamment carré vu d’en haut. Atterrissage applaudi, larme à l’œil générale. A l’aéroport, pas plus de fouilles que d’habitude. La même chaleur dense et poisseuse dehors, bordel de vans et de flics. Apres l’aéroport tout est noir, sauf les panneaux du hezb illuminé(s) par la victoire. Tout aussi agressives que les pubs du hezb, les campagnes déplacées pour des assurances / banques/ écoles/ alcools...


Deux semaines dans un monde enchanté fait d’amour et de vieilles pierres plus tard, je me perds dans ma propre ville. Moi qui ai toujours été super fière de savoir me repérer au fin fond de dahyeh, je m’y suis proprement perdue, à minuit hier, suivie par des mobylettes qui se relayaient. Mon légendaire sens de l’orientation, qui s’épanouit dans le noir, m’a retrouvée à choueifat. Du coup j’ai fait mon tour de dahyeh, un mois après le cessez le feu, j’ai vu les tas de gravats les mieux gardés du monde après ground zero, des restes d’immeubles à genoux dans des rues vérolées, des bribes de hangars noirs, des pelleteuses épuisées, des ponts dont je voyais les os, des barrières, des barbus à roulettes dans mon rétroviseur.


Un mois après le cessez le feu, je me rends compte que la seule couleur apolitique qui nous reste au Liban c’est le rose.
Je me dis tout haut que du bleu et blanc haririen – et la mon caillou me fait judicieusement remarquer que c’est une récupération des couleurs de la vierge – du bleu donc de marie à l’arc en ciel homo, toutes les couleurs sont connotées à Beyrouth cet hiver….