Monday, July 31, 2006

lundi

Pendant que mon amoureux me raconte son escapade dans un bar de striptease de Prague, je pense que j’ai déjà a ma petite échelle assisté a la construction d’une ville, ce n’est pas donné a tout le monde de vivre sa 2nde après guerre – des frissons de jalousie me remontent l’épine dorsale.
Beyrouth après la guerre, c’était comme une femme sonnée, qui avait encore des degoulinades de secrétions plein les jambes. Toute purulente et ravagée, elle se laissait ouvrir et trifouiller.
C’est une ville qui a toujours été trop sulfureuse pour ses voisins. Tout le monde arabe la lorgne, voudrait bien la mettre dans son lit, et de dépit et de rage ne rêve que de la voir a terre.

Sunday, July 30, 2006

a tous ceux qui ne veulent pas bouger

ma foi moi non plus je ne le veux pas.... mais a quel point a t on le choix? ou plutot jusqu'a quand va t on l'avoir?
de nouveau coincee a harissa, je regarde les gens assembles place des martyrs. evidemment au moment ou j'allais descendre, avions. bas et fort. donc je reste, a moins de passer sur le corps de mes parents.....
et puis de toute facon, les amis, khallas, on est libanais, on doit vivre dans notre chair les drames de l'emigration, la biculture, les demenagements, les infos etrangeres, les lignes de telephone qui gresillent, etc etc.
ah et le plus important: les separations.

Beyrouth – harissa – dimanche 30 juillet

Sur l’autostrade aujourd’hui, vers 13h.

Dans mon sens :
3 stations d’essence ouvertes.
4 files de voitures arrêtées devant.
15 voitures par file.

En sens inverse :
4 pick ups de légumes.
2 picks ups de même taille de bétail
2 autres de poulets.
2 grands 6 wheels de carton (aide humanitaire ?)
1 autre de pepsi (ulcère humanitaire ?)

Dans mon sens :
7 points de déploiement de l’armée – uniquement sur l’autostrade

En sens inverse :
1 gros barrage a la sortie du kesrouan / nahr el kalb

Tout ça quelques heures après Cana, et une heure après l’escwa.
Escwa ou se rassemblaient avant que je ne quitte des familles souriantes bras dessus bras dessous, kermesse, drapeaux du hezb, de amal, du Liban, portraits de hassan et de lahoud.


Alors voila, en raison des circonstances actuelles, je suis de nouveau réquisitionnée a la montagne. Essentiellement pour faire plaisir aux parents, qui ne comprennent pas qu’on puisse préférer le danger proche a la rumeur.

Hier reportage sur cnn sur les deux libans, dans cette crisis in the mea. Evidemment le cable se brouille au moment ou hoda une designer en lunettes et bien coiffée attablée chez Paul allait me montrer le vrai visage de ce que je suis en ce moment.

Mais voila, je ne peux pas empêcher mon nombrilisme. Qui, accolé a celui de mes amis, constitue juste l’unicité et le charme vénéneux de mon pays.
Franchement, la légende libanaise c’est bien ça après tout : gemmayze ouvert et embouteillé la nuit même ou cana est bombardée. L’element et le crystal et le cactus a faraya ou broumana. Yasmina au sporting.

La paranoide obstination a vivre comme si de rien n’etait. C’est au choix de la resistance ou de l’inconscience.

Saturday, July 29, 2006

ma petite gorgee de mazout du matin

2eme jour de vent anormalement fort.
Plus de bruit dans la rue. Plein de voitures sur le pont en face de chez moi – une des entrées de la ville.
Mais je n’aime pas prendre le pouls de la ville comme ça…. Rapport densité humains / palmiers au mètre carré sur la corniche inversé hier ! Ratio camions – bus – klaxons à la minute dépassé !
Emmazoutement des plages maximal ! Moyenne d’optimisme explosée ! Probabilité d’ensevelissement vivant du Liban probante !

Au sporting, les vagues sont engluées. Impression de bronzer sur le toit d’une station service. Vagues énormes plombées de mazout. Oiseaux desorientes.
Mais toujours les petits vieux qui font le tour de l’endroit dans un anorak. Les femmes qui viennent la depuis tellement longtemps qu’elles se sentent a la maison, jambes écartées elles traquent le point noir cache…
Je croise des copains, on boit du rosé, on fume un joint, en se disant que c’est un acte de résistance. Encore une fois, si Hassan passait par la, on serait les premiers sur sa liste...

A la bougie…

Une des conséquences les plus amusantes de l’herbe, ce sont les déformations auditives. Par les temps qui courent, c’est tout simplement un supplice. Ereintant. N’importe quel bruit pour peu qu’il soit lointain, lancinant, un peu régulier devient grondement tenace. Comme en plus la ville résonne, tous les petits sons de la rue reviennent amplifies…
Mon amoureux m’eclaire. Les piles qu’acheter m’a fait rire, dans une île qui ressemblait a un Liban idéal, sauvage et vide, les pieds dans l’eau, ces piles donc, deux – une kaki une orange – sont toutes les deux restées pour la bonne cause.
Dans un vent qui fait s’éteindre les bougies constamment, je pense que je ne pense pas assez aux réfugiés, aux morts, un peu trop concentrée sur mes histoires du balcon, le vent dans mes jupes….
Je me plains, je me plains, mais je n’ai encore rien perdu pour de vrai. Juste un peu de foi.
Quand je suis arrivée au Liban, il y a 10 ans, j’ai tout de suite rencontre des gens de partout. Tres vite j’ai bu le the des bidonvilles de ouzai a jnah, du mokhayam palestinien aux tentes des bedouins de la bekaa, j’avais a basta un ami, en bas de chez lui on plumait des poulets, dans les boucheries on achetait plus de mouches que de viande. Et je faisais ça avec mon arabe de riche petite gosse francophone, qui écorche les mots et dit des droleries sans le savoir. Ok le plus souvent j’achetais des trucs. Mais toujours est il que je mets des visages sur ces villages qui disparaissent.
Pour moi, le Liban c’était réellement le même pays de tripoli a tyr, peuple de gens qui allaient commencer a se rencontrer d’homme a homme. Sans truchement politique ou armée Par le déplacement consenti des populations. Par l’hospitalité. Pas forcée.
La capitale va devoir absorber près d’un million de déplacés. Comment ? Comment vont-ils vivre leurs vies d’hommes ?

avion : bruit mat dans l’ épaisseur du ciel. Quand un avion passe, il y a ceux qui empêchent leur voix de s’étrangler, les ya mama ya adra, ceux qui souffrent en silence, ceux qui dorment du sommeil du juste, ceux qui font comme si de rien n’était et roulent, droit devant.-

l’électricité revient. J’allume peu. Pas de tele. Je me plains, je me plains…..

Thursday, July 27, 2006

presque normales journees

Ah aujourd’hui est enfin une vraie journée de travail. Notre avenir se précise, pendant que celui du pays reste bien flou, nous on perd ni le temps ni le nord.
Pas de deprimatose ici.
Même si rien de mangeable ne se deliver plus, on tiendra le temps qu’il faut. Et puis on partira, le temps que ça se reconstruise, sans nous probablement vu que de toutes façons le médiéval Hassan N ne nous a pas demande notre avis avant de nous renvoyer 6 siècles en arrière.

Si notre dolce vita vernaculaire disparaît, franchement qu’est ce qu’on resterait faire ?

C’est vraiment rassurant de bosser, même si on a aucun réflexe, comme si on rentrait d’un séjour à l’hôpital. J’ai du mal a dater vite mes journées en ce moment. Je suis super sensible aux ondes émises par les gens autour de moi. Je ne peux plus gérer la panique, celle de ma mère, de certains de mes amis. Je ne regarde plus les infos, au pire j’entendrais, les avions puis les voisins qui savent où ils vont. D’une façon de plus en plus paranoïde les libanais voient la situation évoluer, chacun dans le secret des puissants, dans le cortex d’olmert.

Ceci dit peut être que tous on attendait quelque chose pour faire le point avec le pays. Décider des choses. Des déplacements. Des engagements. Encore une fois, une chose qui n’est pas donnée a tout le monde, sachons apprécier notre chance : on peut a chaque génération changer de vie... Etre libanais c’est forcement être ou avoir été longtemps immergé dans / exposé a une culture différente au moins un moment

Je dis que je travaille, mais honnêtement j’envoie 2 mails, j’attends des réponses, j’ai passée deux coups de fil. Rien a voir avec ce que la saison aurait du être. Juste avant le début des événements (j’aime beaucoup cette terminologie passéiste et optimiste au possible), on faisait des plannings pour 3 projets en parallèle. Si CA ne se passait pas, on serait aujourd’hui en pleine folie de boulot, ravies de dormir 3 heures par nuit…. D’avoir le bureau plein. Même les klaxons et les camions trop gros pour la rue me manquent la…

Par contre je passe ma journée sur le net. Je lis plein de choses, et la grande constante de ce que je lis sur la situation c’est la lenteur. Le coton. L’artificielle angoisse, contre laquelle chacun met en place une antidote attitude. On fait tous ce qu’on peut, n’étant pas réfugiés, pour maintenir une vie normale, tout en sachant qu’on vit les dernières heures d’un liban qui aura duré 15 ans. Duquel on va tous partir. Voila, comme la génération d’avant nous…. C’est inéluctable pour 90 % de mon entourage.

Tuesday, July 25, 2006

mais franchement, ou?

Au cœur des conversations d’hier soir : ou on va aller. Le pourcentage de notre façon de vivre soluble dans l’émigration.

C’est juste ce sans quoi on n’existe plus, notre fameuse façon de vivre.

Déjà on convertit 45 m2 en espaces vitaux per capita. C’est pas glorieux. Voila un des trucs écrasants dans la perspective – très réaliste – qu'on pourra pas beaucoup bosser ici avant vraiment une petite période de temps (unité 2 mois ?)…
Ceci dit dans peu de pays on a la chance d’a ce point peu savoir de quoi demain est fait. Quand…. quoi? Quand est un mot difficile à utiliser.

Hier j’ai reproduit les schémas familiaux les plus tenaces tout le début de la soirée – vidage de cendrier compulsif crise de poussière bougeage de meubles etc – et puis quand la nuit s’est posée, je suis devenue une totale ado, qui dort dans le salon de l’après midi, fenêtre ouverte sur les étoiles et les chats. Voila hier la république des filles est devenue le dortoir des rebelles, Ly a dormi toute habillée sur le canapé du salon salon, ma sœur dans ma chambre a fumé…
Et ce matin, surprise, des gens travaillent. J’ai même du prendre note de quelque chose. J’ai reçu du spam. Je suis arrivée ici et le moteur et l’elec marchaient. Et l’internet normal.
On vit un tres long dimanche. 2 semaines de dimanche. Sans plage.

Monday, July 24, 2006

Les filles finissent toutes comme leurs mères….

J’ai vécu au paradis perdu. Techniquement, au vu de ce que je fume et de la d’où je viens, je devrais être une assassine…
Je me sens déjà caricaturale. Sentencieuse, comme mes parents me parlant des 70’s. Avec du sépia et du noir et blanc dans la voix. Halla évidemment on a tendance à enjoliver, à passer sous silence les montagnes de poubelle qui existaient avant, le non respect totalement commercial de la nature – eh oui moi aussi cigale citadine j’ai été sensible à l’immense gâchis… d’ailleurs voila devant quoi je suis coite : le gâchis. La plupart des gens qui m’entourent ont cette année décidé d’investir dans le pays. En temps, en argent, en projets, en projections de vie. Et voila qu’on leur bombe au nez. Juste au moment où on se rangeait.

Bruits de la ville : hélicoptère. Pompe à eau. Vaisselle. Radioteles des voisins. Rires gras. Haifa. Karaoké improvisé. Gens saouls dans les rues. Engueulades de balcons à balcons. Théoriciens de trottoir. Tout le monde a raison. Tout le monde a tort. Tout le monde attend.
Cyclone en suspens.

Qu’on ne me dise plus que le Liban n’est pas le centre du monde.

les lundis au soleil

Quand je pense qu’il y a des pays ou les hommes au fond des lits font des rêves... Il y a des pays ou les gens ne changent pas de ville…. Ma famille proche – mes parents et moi – avons déménagé 4 grandes fois déjà. Et la 5eme plane sur nos têtes. Est-ce que c’est génétique, les libanais - ces habiles commerçants de leur propre mère s’ils le pouvaient - ont ça dans le sang, le goût de l’émigration ? Combien le pays va se retrouver encore exsangue ? Pourquoi je pense à partir ? Pourquoi tous mes amis doivent aussi y penser ? Pourquoi je dois commencer à compter le nombre de caisses qu’il me faudrait pour ranger toutes mes affaires ? Et le temps que ça va me prendre ? Et le nombre de kilos transmutés en mètres cubes que je pourrais caser dans le coffre de la voiture qui va me prendre à amman ? Et si elle ne me prenait pas seule ? Et mon appart ? Le garder ? Le partager ? Le laisser ? D’ailleurs est ce que je pars ? Combien de temps ?

Je me sens un peu en résidence surveillée, à la montagne. En cure de pseudo repos forcée. Je sais que j’ai déjà de la chance d’avoir un toit, et de l’espace.
Mais bon.

Je ne peux pas m’empêcher de me sentir flouée. J’ai cru en ce pays – je suis arrivée à Beyrouth il y a 10 ans- et je n’arrive pas a croire que c’est un pays en sursis…

Aujourd’hui j’essaie de maintenir la routine. Je sens que c’est une forme de résistance. Non. On est plus dans la survie la. Les fonctions vitales à maintenir. Travailler. Sortir. Plager.

Sunday, July 23, 2006

la nuit...

la nuit tous les chats sont gris, et tous les libanais revent de leur vie d'avant qui n'existe plus. ma tante nous traite de snobs, mes amis et moi parcequ'on a du mal a supporter la montagne.... je nous trouve pourtant plutot bien adaptes, on fait la sieste au moment ou les coqs pensent a chanter, on mange de tout, on sait quand ne pas plaisanter.
c'est difficile de maintenir le moral quand on est plusieurs.
je suis en train de devenir super silencieuse. comme la ville?

torpeur dominicale


Mon père est très drôle bourré. Ses yeux deviennent tous petits. Il devient tout rouge. On boit pas souvent, en famille, même les dimanches. Il me fait un verre d’arak, gigantesque, qu’évidemment on ne me laisse pas boire en entier. Je tente une mini sieste sur la balançoire, puis mon amoureux m’appelle, j’ai tellement envie de me réveiller près de lui, ses épaules douces et chaudes le matin, alors quand j’ouvre les yeux pour lui parler, je suis entre frustrée et contente… on descend – ma sœur, Mi et moi- ensuite à Beyrouth, profitant de la sieste parentale. Quand j’étais toute petite, 2 ans, à l’heure de la sieste que je ne faisais pas, je recopiais le dictionnaire.
On passe au Torino, après avoir marché à raouché, beaucoup de tous petits poissons entre les rochers, des gens sur les rochers, des promeneurs. Soleil humidité poisse citadine. Mouches. Une fille du sud racontait au Torino que ses trois maisons – à khiam saadiyat et haret hreik – étaient foutues. Elle vit à achrafieh. Elle chante, elle revient d’ailleurs de haret hreik ou elle a été filmée chantant pendant des explosions.
C’est marrant j’ai aussi vu un type qui était à la fac avec moi, et que je pensais en afrique. Lui me pensait à dubai. Qui a dit que Beyrouth était une petite ville ?
Apres on est passés chez moi, j’ai fini de faire la poussière, un peu foncedée, de mes livres. Quelques explosions, panne d’électricité, bateaux en partance dans le port, Ly ne sait pas si elle revient chez moi, rentre chez elle ou va avec sa famille quelque part.
J’ai perdu deux tons, de teint. Je dois me maquiller. Mes cernes ne disparaissent pas. La marée noire a atteint beyrouth. Je rêve d’aller à la plage. Et de dormir chez moi.
J’ai beau savoir qu’on risque tous d’être séparés, bientôt, d’être chacun dans un coin du monde, je n’arrive à parler à personne. Je pense à ma grand mère, qui a vu tous ses enfants obligés de quitter il y a 30 ans, et qui revoit ça se profiler pour ses petits enfants. Elle a déménagé 3 fois à cause de la guerre.

Ce qui est très fatiguant aussi, à part les infos en continu, ce sont les théories. Les débats, les incertitudes, cette promesse que le pire est à venir.
Cette certitude aussi qu’après le pire il y a un après.

Saturday, July 22, 2006

samedi

Samedi, je savoure le réveil dans mon lit, dans ma maison, avec les bruits de mon quartier. « Les voisins de la salle de bains » me dispensent d’allumer la télé, j’ai en me lavant les dents le rapport circonstancié et ultra analysé du bombardement du relais de téléphones et des antennes de télé du kesrouan. Je sais donc très tôt que je ne dormirais pas à Beyrouth ce soir… la journée se passe idéalement, on larve devant un film, Ly et moi, on se commande le festin dont on rêve depuis une semaine qu’on est à la montagne, à manger trop : des salades de chez casper. Elles mettent deux heures à arriver. La beu hier a mis 10 minutes. On fume de l’herbe. Je quitte vers 5 heures pour aller chez Ay, à la montagne. Route normale. Motos sur une roue. Voiture accidentée sur le dos. Vitesse minimale sur la file de gauche : 150 km/h. Convois de matelas. Poubelles. Angoisse devant chaque poteau électrique. En haut, cigales et grillons.
Et Ay, pas vue depuis une semaine. Comme tout le monde, elle a pris un petit kilo, elle ne regarde plus les infos, elle s’ennuie. La ville nous manque à tous. Dehors ses parents jouent aux cartes, comme tous les samedis. De temps en temps, ils nous racontent une rumeur. Ils vont bombarder le relais de telle tele à tel endroit. Ne prenez pas de ponts.
Comment on va faire sans téléphones ?

vendredi


Tout ce que je fais ces quelques jours a un goût prononcé de dernière fois.
Dernière sieste sur mon canapé trop dur, dans le courant d’air de l’après midi, avec arte muted en fond sonore.
Dernier passage à mon bureau, cadenas ridicule.
Dernière nuit à Beyrouth dans mon appartement plein de poussière noire qui colle.
Dernier ménage.
Dernier delivery de beu.
Dernière rave de pendant la guerre ?

Avant d’y aller, à cette rave, encore à la montagne, je recopie mon carnet de téléphone, et non seulement ça me semble sinistre, mais ça me pose une question philosophique de taille : est ce optimiste de penser que tous mes amis en partance vont garder les mêmes numéros de portable ?

Aujourd’hui notre petit groupe de néo montagnardes kesrouaniotes a été très efficace, 3 filles chacune dans une pièce, devant la mer, un ordi sur les genoux, à taper plus vite que leur ombre… c’est aussi le premier jour depuis le début des événements ou je mange et fume moins. Je suis moins devant la tele aussi. Ay me dit qu’elle aussi – dans sa montagne – souffre de la promiscuité avec toute sa famille, de l’over information, avant d’entrer dans les détails de la non activité, de l’incertitude, de l’ennui etc. etc.
Finalement on y va, à cette private party, à l’ex om. On refuse de regarder les infos avant, on bouge au coucher du soleil, on fait une route magnifique, le ciel est rose et dans la mer tous les bateaux qui sont la nous protègent… on est bien décidées à profiter de ce répit forcé des bombardements… confessions : j’ai du mentir, comme une petite ado, et dire que je devais passer la nuit à Beyrouth pour dire au revoir à Da…. Et j’ai aussi utilisé les évacués comme argument. Tant qu’ils seront la mon quartier – le port – ne sera pas visé.

On arrive en ville. Montagnes de poubelle, que plus personne ne ramasse. On passe devant le forum, ou les réfugiés sont accueillis. On croise des camionnettes chargées de matelas. Le silence est toujours sifflant. Mon immeuble est quasi vide. Sur les 5 étages – 10 appartements, 3 sont occupes en permanence. Et encore, Da va partir. Le voisin du 5eme installe une serrure à la grille de l’entrée. Ay m’a dit tout à l’heure que des appartements commençaient à être squattés dans son quartier.
Avant d’aller à la soirée, je lis le texte de Fisk. Du coup quand j’y arrive, je l’ai encore dans la tête. Avec la musique de G, cathartique, sensible, contextualisée, et mes souvenirs de cet endroit (avant d’être l’ex om, ça a été l’om, et encore avant, le mythique B018) ou j’ai juste grandi, j’ai la chair de poule… il y a une petite cinquantaine de personnes, entre le jardin dehors et dedans ou ça sent le rat mort. Le gardien, égyptien, s’est enfui, avec les clés, ce qui fait qu’ils ont du ouvrir la porte au chalumeau… Littéralement, on se sent underground. Irréductibles. Fetards. Cliché. Résistants. Inconscients. Futiles. Vivants. Hezbollesquement parlant, s’il y a des gens à degommer en priorité, c’est bien nous. Qui vivons libres. Indépendants et pensants. Et sensibles à cette musique qui sort du ventre de chacun.

Friday, July 21, 2006

comment en quelques jours nos vies d'avant n'existent plus

Aujourd’hui, en pleine guerre, on est passées chez g, le dj. Pour le filmer en train d’expliquer pourquoi il ne pouvait pas se rendre a une rave en jordanie… la guerre ces deux derniers jours est assez abstraite, même après le passage sur des lieux d’explosion, filmes. Alors évidemment le premier truc bien de cette guerre de juillet c’est que ça me forge un peu mon arabe : je lis de mieux en mieux… et je capte quelques petits concepts grammaticaux au passage…
Cet après midi, donc, après être passées chez Ly, qui est ma première réfugiée officielle depuis que sa maison est en zone bombardée – par erreur ou par malveillance c’est un débat - prendre ses affaires dans des nuages de fumée toxique bien qu’invisible, on a été chez sa mère, qui m’a lu dans le café. Elle m’a dit plein de choses apaisantes mais vraies…Vu. Apres ça donc, ce petit passage un peu tantesque, on passe chez moi – volets fermés, frigo squatte, placards vides- puis chez Da, mon voisin qui aime les reptiles en fond sonore. Il ne veut pas quitter la ville, enfin pas pour la montagne en tous cas – moi je suis a la montagne, et je me sens revenue dix ans en arrière, au temps ou mes parents pouvaient m’appeler a n’importe quelle heure pour me demander dans quel état je suis… - bref, donc Da qui ne veut pas quitter la ville attend son visa pour l’egypte, ou toute sa boite se délocalise. La mienne – on est 3 – se délocalise en partie a milan. Je pense que je vais moi me délocaliser a prague. Vivre avec mon amoureux un peu. Etre serveuse. Changer d’existence. Radical. Donc bref, on est chez lui, et on a une camera, alors après avoir filmé quelques imbécillités et trous d’obus, on décide de profiter du calme bombardatoire de la journée pour la faire, cette interview de G, pour la jordanie. G, Ly et moi c’est une grande histoire. On est juste deux fans historiques, Ly et moi. Souvent au premier rang. Jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Donc on est très excitées à l’idée d’entrer dans l’antre de tant de talent. A l’américaine, on piaille un peu, on fait des manières de pétasse, mais l’air est un peu lourd, on ne peut juste pas éviter ce sujet, qui part, et ou, et quand, et est ce qu’on reste ou pas. Et tout le monde a raison, c’est bien et noble de rester, c’est notre pays, il a besoin de nous, mais c’est aussi bien de partir quand on travaille dans des domaines comme les nôtres - pub et night life – qui seront juste les derniers a redémarrer. Est-ce qu’on peut, a 30 ans, attendre encore 5 ans que le pays aille mieux ? Est qu’on n’a pas un peu le droit a un bonheur possible dans la durée ? Un espace temps stable ? Lourdes questions. Egayées par le projet fantaisiste qui va nous transformer en millionnaires : du porn libanais. Mais la encore on se heurte a l’éternelle habilite a parler mieux que faire des males libanais. Je regarde G, dans son marcel blanc, et son cul et ses mollets beaucoup plus gros que je ne pensais, parler de porn, et j’ai une envie folle de lui bouffer la barbe, de l’attraper par la peau du cou, qu’il a rose et tendre, et de lui fourrer les épaules entre mes cuisses. Dans son studio minuscule, d’où il peut voir sa mère cuisiner, je me demande comment gérer un couple et les envies de sexe sauvage qui m’assaillent. Est-ce qu’il existe des clauses sur la fidélité en temps de guerre ? a part que bien sur il est des choses qui ne se racontent pas, est ce que le fait d’être en couple, ce qui veut dire y croire, m’interdit complètement tout dérapage ? Ou ça commence tiens un dérapage ? J’ai découvert que ma maison n’était pas vraiment un refuge efficace un samedi, bien avant tout ça, il y a bien deux semaines. Après avoir passé de longues soirées jeudi et vendredi, je suis chez moi, déterminée a passer la soirée au lit, notamment parce que je rentre de la plage, que je n’ai strictement rien mangé – un peu chimiquement aidée il faut dire – et que j’ai BESOIN de repos, Da m’annonce qu’il a des champi, et qu’il y a une soirée, a une plage. Et me voila, avec Ly, à cette soirée d’homos, ou G officie bien sur, à rigoler comme une idiote au ventre plat, sur un baldaquin en vinyle blanc. Dire que tout ça c’est fini. Plus de plages, plus de beaches parties. Plus d’afters. Plus d’amis a portee de téléphone. Déjà la on est tous chacun dans sa montagne, ça fait une semaine que j’ai pas vu Ay, elle me manque la bougresse. On est de nouveau des enfants, mais stressés et angoissés, avec des décisions d’une vie à prendre dans les semaines qui viennent. On se bourre de bouffe et d’ennui. Les nuits commencent tôt, on dort trop, faire deux petites choses nous fatigue, le manque de routine tue. Y a que les moustiques qui sont contents.