Monday, January 29, 2007

Il faut reconnaître à la ville de Beyrouth une équipe de nettoyage hors pair.

Vendredi, je fais un petit tour du coté de la cité sportive. A l’entrée du tunnel Salim Slem, je remarque ce nouveau marquage au sol – les traces de pneus brûlés – perceptible même par les mal voyants, tellement c’est en relief sur le goudron de la chaussée.
Je sors du tunnel à l’heure où les pigeons rentrent à la maison, à tire d’ailes ils déchirent le ciel mauve et rose, je m’attends à voir de la fumée et de la suie, je note aussi que la grippe aviaire n’a jamais affecté l’affection des libanais pour ces volatiles, et au lieu d’une apocalyptique scène de post guérilla urbaine, je ne vois que quelques voitures calcinées – sur plus de 100 mètres quand même – et des trottoirs arrachés (ah voila d’où viennent les pierres ?) et quand même un peu de tanks. Des militaires des forces spéciales, tout en noir, achèvent de donner à cette balade son ancrage spatio temporel.

Beyrouth, hiver 2007, de nouvelles règles de conduite sont données par les parents à leurs enfants : ne boucle pas ta ceinture de sécurité ma chérie, tu risques d’avoir besoin de sortir très vite de ta voiture. Et puis lis bien les panneaux : attention chute de pierres au beau milieu d’une place vide, ça veut bien dire ce que ça veut dire.

Thursday, January 25, 2007

couvrez moi ce feu

et envoyez tout le monde au lit. et n'oubliez pas d'eteindre les feus de pneus en sortant...

comme a chaque soubresaut situationnel, je me retrouve rapatriee fissa chez les parents.
on dine devant les infos, cuilleres intimidees par la fureur des images, suspendues a l'appetit coupe, encore une fois on est bouche bee devant ce qui se passe dans un pays auquel on appartient avec notre sang, mais pour lequel on ne compte pas encore le donner.
l'impuissance infinie dans laquelle je suis, est ce que ceux qui brulent et caillassent pensent qu'ils la transcendent?

c'est mon premier couvre feu, et en effet c'est efficace, pas un bruit dehors, a part les tanks qui se mettent en place, et en effet c'est le premier depuis 1973, et en effet l'heure est grave, puisque revoila sultan sleiman, le journaliste de la lbc dont les poemes en gilet pare balles ont rythme notre guerre de l'ete... et aussi les sms de l'ambassade de france. ah la la mais sur quelle sorte de faille sismique sommes nous?

jusqu'a ces quelques jours, je trouvais le liban plus telegenique que l'iraq, moins uniformement gris, noir et jaune, mais je revise ce jugement hautement hatif: ou que se trouvent le palmier et le ciel bleu, si devant eux brule quelque chose, alors il fera une nuit brumeuse dans une image grise et peu profonde.
une voiture sur le cote qui flambe devant des lanceurs de pierre qui courent, ca donne la meme image partout dans le moyen orient. l'armee canardee par des snipers, une universite en sang, des chars des tanks, des barrages improvises impossibles a affilier, ah non ca c'est une specialite locale, quoique en algerie il me semble... on pourrait presque utiliser des bandes d'archives pour montrer ce qui s'est passe tout a l'heure...
des combats de rue. voila comment prudemment une chaine francaise voit ca. ailleurs c'est affrontements et fusillade. ici c'est nuit noire. decidement le silence de beyrouth n'est jamais de bon augure.


Wednesday, January 24, 2007

hier aujourd'hui... demain?

Ce matin, je me demande où vont aller toutes ces pierres et ce sable et ces débris qui ont servi aux barricades… d’ailleurs, d’où viennent ils ?
Est ce que ce serait le recyclage des gravats de la guerre, auquel cas on ne pourrait pas taxer celui qui les utilise accompagnés de pneus à la calcination cancérigène d’anti écologisme ? Les débris des ponts avaient déjà servi à en bloquer les accès après la guerre…
Je vois déjà les filaments gris bleutés des résidus de pneus flotter dans le fond marin libanais, algues plastiquo toxiques pour poissons hydrocéphales.
Les rues, déjà pur patchwork d’asphaltes différents, sont par endroits un peu fondues, et encore fumantes.
Apres ce qui ressemble à une agression, je m’interroge sur ce que je veux de ce pays. Pourquoi j’y suis encore. Apres tout je ne suis libanaise du Liban que depuis 10 ans, j’ai mis 3 ans à vraiment me sentir appartenant à ici, peut être que je pourrais vite oublier ? Et devenir quoi après ? Apatride internationale ? Émigrée à vie ?
J’ai la désespérante intuition qu’en fait le seul problème du Liban, c’est qu’il est trop petit pour tous ses habitants, et ses hommes politiques uniquement préoccupés par le volume de leurs vols. Les libanais à l’étranger s’entendent toujours super bien, quelle que soit leur origine / religion/ rite/ village / famille / clan / obédience / fortune etc., parce qu’ils ne sont pas obligés de se voler les uns les autres et se marcher dessus dans une intolérance grandissante en clamant que ce sont eux les plus miséreux pour exister.
Hier j’ai vu un fantôme en armes, aujourd’hui tout le monde est gris.

Tuesday, January 23, 2007

brulot

Ce matin les odeurs de pneus brûlés m’ont tirée du lit. Le ciel au dessus de la ville était strié de colonnes de fumée noire. Curieusement, pas de bruits forts. Peu de voitures. Ly a pris un risque énorme en descendant au bureau. Du coup on est encore les seules ou presque à bosser. A la télé, personne ne fait un point clair sur la situation, ça m’énerve. Un peu plus tard dans la journée, on voit par contre très bien les gens se taper dessus. Ce matin il y avait quelques femmes parmi les manifestants, elles ont été complètement remplacées par des jeunes hommes armés de battes de base ball, le visage encagoulé. Au moment où je me demande si c’est pour se protéger de la toxicité de la fumée, un groupe de jeunes se lance sur une voiture garée, et l’explosent. Le verre vole.
Violence terrifiante. Camions de pneus venus approvisionner les barricades. Fumée fumée fumée. Je me demande de quelle couleur sera la poussière sur mon balcon ce soir. Et son épaisseur. Tas de sables et de pierres. Coups de feu. L’armée qui ne laisse passer que les véhicules chargés d’une mission blocatoire. Débordements. Blessés. Morts ? Pas de chiffres exacts, comme d’habitude, rumeurs rumeurs. C’est d’ailleurs je trouve très signifiant qu’ à la télé plutôt que de donner de l’info (des chiffres, des images, des faits) on commente. A la télé libanaise, il n’y a que des commentateurs. Depuis ce matin, un nombre ahurissant de gens ont telephoniquement donne leur avis analytique sur la situation mais pas un n’a juste décrit ce qui se passait. Ly va tenter de rentrer chez elle. Moi aussi.

Friday, January 12, 2007

ville et vie urbaine au liban au 21eme siecle

Dans une ville hérissée de barrages, je m’interroge sur ce que je comprends de ce qui se passe.
Je prends ma voiture, le jour c’est pas plus pénible que d’habitude, les gens justes un peu plus énervables. La nuit tombée, les embouteillages commencent, traverser la ville fait ressurgir des réflexes très anciens : contourner le ring, éviter sodeco, à force de passer par ailleurs on sort complètement de la ville pour aller d’un quartier à l’autre. Alors évidemment après quelques heures à réviser leur géographie urbaine, le lendemain les automobilistes sont irritables…
Une semaine ou deux après ces lignes, la situation automobilistique est compliquée par les cordons de sécurité autour des maisons des gens importants et / ou menacés. Dans une ville dans laquelle il est évident que la place manque, il faut encore contourner les grilles métalliques mobiles, placées en quinconce, escalader les dos d’âne maison en corde épaisse, et enfin songer à trouver une place, dans des rues dont les trottoirs ont été pour une obscure raison rendus à des piétons inexistants, haussés d’une bonne trentaine de centimètres et bardés de bittes jaune et noir, bien au milieu pour que lesdits piétons en profitent pour faire un peu d’exercice ?
La conséquence première de ces mesures à la logique discutable c’est le rayage de toutes les voitures qui continuent à se garer des deux cotes de rues à l’étrécissement angoissant. C’est aussi des embouteillages exponentiels – pensez donc il suffit qu’une citerne d’eau tente d’entrer dans une de ces petites rues qui font le charme de ma ville pour que la circulation s’arrête dans un périmètre qui va grandissant…
Et je ne parle pas des nuisances sonores, aggravées par la klaxonite partisane.
Ni des travaux qui surgissent en une nuit, promesse de boue eternelle et de riverains inquiets…

Thursday, January 04, 2007

007

beyrouth est une ville evolutive.
il suffit d'en partir une semaine pour retrouver les rues changees: une nouvelle couche d'asphalte par ci, une nouvelle joura par la (la joura est un trou dans la chaussee surgissant en une nuit, dont la profondeur varie entre 10 et 75 centimetres, aux bords tellement mechamment denteles qu'on accuse frequemment les reparateurs de pneus d'en etre a l'origine), une canalisation en fuite qui transforme la rue en ruisseau, des travaux - de preference pharaoniques, non indiques et qui bougent constamment, des boursouflures de ciment et des beances dangeureuses qui montrent les dessous pas chics de la ville....


apres une semaine a berlin, 5 degres et un peu de neige un jour, je rentre a beyrouth, 19 degres, pour tomber malade et porter 8 pulls dans la maison pour me proteger de ce froid humide qui suinte des murs directement dans mes os... je rentre aussi pour apprendre que la moitie des projets qu'on avait en suspens sont toujours dans les limbes. l'atmosphere autour de moi est a la fatigue, mais je pense que c'est surtout du a la violence des fetes que mes amis ont passees.

pour ma part, j'ai ete tres etonnee qu'a berlin, une ville si terroristement ecolo qu'a l'aeroport une femme a ete repecher un emballage que j'avais jete dans le mauvais compartiment, les gens n'hesitent pas a tirer des feux d'artifice pendant une vraie demi heure, laissant les trottoirs couverts de 10 bons centimetres de dechets en papier glissants... j'ai surtout decouvert la ville la plus agreablement vivante d'europe, une ville immense, celle dans laquelle je vivrais volontiers, entre mon amoureux et un fer a souder dans un petit atelier au fond d'une cour...

c'est drole, j'essaie d'honorer les traditionelles prises de bonnes resolutions, mais l'air ambiant a reussi a eradiquer ma tendance naturelle a l'optimisme. je pense que le fait de n'avoir aucun projet clair au boulot, et aussi d'avoir deja vecu en 6 mois deux fois cette meme scene d'annulations en rafales a cause de la situation, y sont pour beaucoup.
du coup la seule promesse dont je suis capable est: pas de paresse, bricolagement parlant du moins.
corollaire immediat: j'ai 39 de fievre, et j'essaie de terminer une lampe. je n'ai meme pas la force de tenir ma pince, je perds un temps fou a essayer de desengager pacifiquement mes 8 pulls du grillage de ladite lampe, mais ridicule et tetue je m'obstine.
evidemment une heure plus tard j'ai commence autre chose, et maintenant le salon est plein de perles et de plumes, et de bouts de feutre et de grillage inutiles et inassemblables et a recycler.
et en vertu de mon inflexible voeu, j'ai pris mon tricot chez mes parents - amplitude thermique: 10 degres et 5 pulls- ou je beneficie du statut de refugiee maladique....evidemment depuis tout a l'heure j'essaie d'echapper a la pression de productivite dans laquelle j'entends me maintenir cette annee en faisant mille autres choses autrement plus vitales (panadol - kleenex - sirop - clope)...

a la tele, un documentaire sur des ultra religieux israeliensqui choisissent de devenir laiques, en hebreu sous titre qu'evidemment j'ecoute au lieu de regarder. le seul moment ou je me concentre une seconde dessus, je vois un arbre taille au carre, au bord d'une rue, exactement comme ceux qu'on peut voir dans certaines avenues beyrouthines des annees cinquantes, et au caire et en syrie. je me demande si c'est une mode propre a la region, ou un heritage des mandats, ou une mode d'epoque, et j'essaie de me souvenir d'un autre pays ou ca se fait, cette taille au carre, mais je ne trouve pas...